Kurbo, l’application Weight Watchers qui va créer des problèmes à vos enfants

Ça fait deux semaines que je me retrouve entre le choc, l’incrédulité et la colère.

Je suis furieuse de voir à quel point, seulement pour une question d’argent, les gens sont prêts à mettre en danger le bien-être et le développement des enfants.

Donc, mes chères et chers, ne m’en voulez pas si celui-ci va être un article-coup de gueule, avec un ton un chouia plus sarcastique et revendicateur.

Pourquoi je m’énerve tant ? Parce que le monde des régimes et de la perte de poids (ce monde qui en 2019, seulement aux Etats Unis, vaut 72 milliards de dollars) est en train de toucher le fond. Comment ? En annonçant la sortie de la dernière, nouvelle, « super » application de perte de poids de Weight Watchers, à destination des enfants qui ont entre 8 et 17 ans.

Je répète : les enfants entre 8 et 17 ans.

Weight Watchers, maintenant WW, vous les connaissez certainement. C’est eux qui ont proposé ce « magnifique » (haha !) régime qui vous dit ce que vous devez manger, en vous basant sur un système de points qui vous sont donnés en fonction du poids que vous voulez perdre. L’idée est que chaque aliment/plat vaut un certain nombre de points et il faut respecter votre quota de points de la journée pour « réussir » votre perte de poids. Très probablement, vous qui lisez cet article, vous, adulte, l’avez même déjà essayé. Vous connaissez donc les ravages qu’il peut faire dans le rapport à la nourriture et dans le rapport à soi-même.

Et bien, Weight Watchers a décidé de faire plus ou moins la même chose avec les enfants, c’est juste que les points ont été remplacés par des « codes couleurs » (bien sûr, faut rendre ça « coloré » pour les enfants, n’est-ce pas ?). Le vert indique la nourriture saine, l’orange celle à manger modérément et le rouge met en garde contre la nourriture « pas saine ».

Bien évidemment, marketing oblige, Weight Watchers présente cette application comme la solution pour apprendre aux enfants et aux adolescents à « bien manger » et à atteindre un « poids santé ». Soyons honnêtes et réalistes, c’est une application qui propose un régime et qui vise la perte de poids.


Il y a tellement, mais tellement, de raisons qui font que tout ceci est malsain, que je ne sais pas par où commencer.


Tout d’abord, clarifions une chose: les mots « enfant » et « adolescent » ne devraient JAMAIS être accompagnés par les mots « perte de poids » ou « régimes ». Tout est mauvais dans l’association de ces concepts. C’est comme si on dit à l’enfant : « Ce n’est pas bien comme tu es. Tu es trop gros. Ton corps est un problème. La nourriture est un problème. Tu es un problème ». Les enfants ne doivent pas être mis au régime. Un point, c’est tout.

Mais, je n’aime pas affirmer des choses sans les argumenter. Alors, je tiens à ce que les dangers des régimes pour les enfants soient clairs.

Pour ça, il suffit de vous montrer que cette approche crée des dégâts à 3 niveaux :

1. Le rapport à soi-même
2. Le rapport à son corps
3. Le rapport à la nourriture

Allons dans l’ordre.

1. Le rapport à soi-même

Si l’enfant paraît potelé, rond ou est en surpoids, il n’est pas le problème. Si, du fait de son apparence ou du poids sur la balance, on lui fait des commentaires comme « Il faudrait perdre quelques kilos », « Tu ne devrais pas manger toutes ces chips », ou « Il faut commencer un régime », il comprend que sa valeur est celle d’un chiffre sur une balance. Il reçoit le message qu’il n’est pas comme il devrait être. En conséquence, il va se sentir blessé, pas assez bien, pas comme il faut, pas à sa place et son estime va être au plus bas.

2. Le rapport à son corps

Dire à un enfant qu’il doit faire régime équivaut à lui dire que son corps n’est pas bon, qu’il est pas beau, qu’il faut rentrer dans et respecter des canevas de beauté spécifiques pour être accepté et pour s’intégrer dans la société. Aussi, on lui dit qu’en contrôlant son alimentation, il peut contrôler son apparence et donc le degré d’acceptation que les autres vont avoir envers lui. Qu’est-ce qu’on va offrir à l’enfant ? La recette idéale pour créer de la dysmorphie corporelle (un trouble psychiatrique associé au fait d’être constamment préoccupé par son apparence physique) et des troubles du comportement alimentaire.

3. Le rapport à la nourriture

Mettre un enfant au régime veut dire lui imposer des restrictions alimentaires, sans aucun fondement valable. Pousser un enfant à contrôler son alimentation veut dire l’inviter à s’obséder devant la nourriture qu’il aime et qu’il ne peut pas avoir. Utiliser des points ou des codes couleurs va créer une diabolisation de la nourriture qui est considérée comme « mauvaise », en créant de l’angoisse et de la culpabilité dès que ce type d’aliment est consommé. Sans compter que la nourriture n’est plus vue comme telle, mais comme une série de points ou de codes couleurs où on va viser l’indice le plus bas pour éviter de prendre du poids. C’est la voie ouverte à la haine envers la nourriture et soi-même et aux compulsions alimentaires, ainsi qu’à l’anorexie et à la boulimie.

Mais je comprends qu’il y ait des parents qui soient inquiets pour le bien-être de leurs enfants. Je sais que c’est dur de voir son enfant souffrir parce qu’on se moque de son poids. En plus, c’est angoissant de « ne rien faire » quand on entend parler des conséquences de l’obésité infantile sur la santé. Les parents veulent offrir à leurs enfants la possibilité d’être heureux dans leur corps, avec eux-mêmes et avec les autres.

Mais, l’application Kurbo de Weight Watchers n’est pas la solution. Au contraire, c’est ce qui crée et contribue au problème. Elle déconnecte les enfants de leurs besoins et de leurs signaux de faim et de satiété. Elle ne prend pas en compte les variables individuelles et les aléas qui composent la journée de l’enfant.


Manger c’est un acte intuitif, physiologique et psychologique. Les régimes et ces applications transforment l’action de manger en un acte mental, fait de règles et de contrôle. Le plaisir n’a plus de place.


Alors, chers parents, continuez à lire, parce que je suis de votre côté. Comme vous, j’ai envie que vos enfants soient bien et qu’ils deviennent des adultes conscients, responsables et heureux.

Comment permettre à l’enfant de bien se développer dans son corps et dans son esprit ?

1. Relation à soi-même

Faites comprendre à l’enfant que son poids, sa taille, ne définissent pas qui il est, ni sa valeur. Montrez-lui à quel point il est aimé, indépendamment de son apparence. Faites-lui remarquer toutes les qualités qui font qu’il est unique. Aussi, expliquez-lui que le monde a besoin de lui, de tout ce qu’il peut apporter avec sa personnalité, indépendamment de l’enveloppe dans laquelle il se trouve.

2. Relation au corps

Expliquez à votre enfant que, c’est vrai, il est en train de grandir dans une société qui peut être très blessante et qui veut nous faire croire (pour des raisons purement monétaires) qu’il n’y a qu’une taille, qu’un poids acceptable. Mais ce n’est pas vrai. Chacun a une taille, un poids, une corpulence, une physionomie qui lui est propre. Chacun a sa beauté. Surtout, personne ne peut lui dire que son corps est un problème. Dans ce cas-là, ce sont les autres le problème. Aussi, très important, évitez de parler du poids avec votre enfant. Rappelez-lui que le corps est fait pour vivre, pour bouger. Bref, essayez de l’encourager à avoir un style de vie équilibré (moins de tablette et plus de mouvement).

3. Relation à la nourriture

Tout d’abord, offrez à l’enfant toute la variété d’aliments que la Nature nous offre. Impliquez-le dans l’achat et la préparation d’assiettes gourmandes. Rendez les plats attrayants, amusants, joyeux. Visez la diversité, qui comprend tant les légumes que le chocolat. Faites des moments de repas, des aventures de découverte et de complicité. Ensuite, expliquez à l’enfant l’importance des aliments pour le corps et laissez-lui le temps et l’espace pour l’expérimenter. Montrez avec enthousiasme qu’on peut manger de tout, en se faisant plaisir.

Je vais conclure en vous disant que l’enfant est dans un âge de développement, de croissance, tant physique, que psychologique, qu’identitaire. Alors, il faut le soutenir, l’accompagner et l’aider dans ce voyage. Vous, parent, peut-être à votre insu, vous êtes le meilleur guide pour montrer à votre enfant comment on peut vivre en s’aimant, en acceptant son corps, en célébrant tous les types de nourriture. Vos enfants vous regardent, vous imitent et ils deviennent ce que vous leur montrez, consciemment et inconsciemment, explicitement et implicitement. Alors, soyez le bon exemple d’adulte qui s’écoute, qui s’apprécie et qui est heureux dans son corps et dans son esprit.

Le premier pas vient de vous.

C’est à votre tour maintenant. Quelle est votre opinion sur cette application Weight Watchers ? Vous avez d’autres conseils à donner sur comment aider les enfants à se développer dans la bienveillance et l’acceptation ?

Si vous voulez creuser les conséquences des régimes et de ces applications, comme Kurbo de Weight Watchers, sur le bien-être de vos enfants, je vous invite à lire cet article du American Academy of Pediatrics et cet article rédigé par des chercheurs anglais de la faculté de psychologique et de sciences technologiques.

À bientôt, au prochain article !

Emanuela Garau,
psychologue et nutrithérapeute
et son équipe passionnée.