Je me trouve grosse. Pourquoi ?

Est-ce que ça vous est déjà arrivé d’être face à une personne qui vous dit : « Je suis trop grosse. Il faut que je perde du poids » ou « Je déteste mes cuisses. Elles sont énormes ». Vous la regardez et vous pensez tout simplement : « Où ?! Non, mais… où ?! ». À vos yeux, elle est tout simplement « parfaite » et vous restez figée entre un sentiment d’incompréhension et d’agacement.

Et pourtant, vous savez que, à un moment ou à un autre de votre vie, vous avez été cette personne ? Vous vous êtes trouvée moche, grosse, ballonnée et vous avez déclaré que vous deviez absolument vous mettre au régime… devant les yeux confus et étonnés de la personne en face de vous.

C’est en réfléchissant à cette réalité que mon esprit de psychologue et nutrithérapeute s’est posé une question :

« Qu’est-ce qui fait qu’on perçoit son corps comme « gros » alors que les autres n’en ont pas la même perception ? »

Et mon côté chercheuse académique m’a amenée à la découverte des processus cognitifs- du cerveau- qui interviennent dans la manière de percevoir (négativement) son corps et plus précisément la tendance à surestimer la taille de son corps.

Dans son article « Body image disturbance in eating disorder : a cognitif bias ? » (1996), le professeur Donald Williamson nous explique que pour comprendre pourquoi on perçoit son corps de manière négative et faussée, il faut regarder le processus mental, la manière qu’on a de traiter les informations de notre environnement.

Préparez-vous parce qu’on entre dans les méandres du cerveau humain.

La première chose importante à savoir est que l’image du corps n’est pas fixe et stable mais elle change selon les contextes dans lesquels vous vous trouvez. Si vous êtes dans un environnement qui alimente une peur de prendre du poids (admettons que ce soit le monde du mannequinat), cela augmentera le risque de développer des comportements problématiques associés aux troubles du comportement alimentaire (régimes, contrôle alimentaire, comptage de calories, …) (Slade, 1973).

D’un autre côté, la perception de notre corps comme « gros » ou « mince » pourrait changer dans des contextes différents, du fait de la comparaison sociale. Je m’explique.

Imaginez que vous faites un voyage aux Etats-Unis où le taux d’obésité est l’un des plus importants au monde (12ème position) avec 40% en 2015-2016. Comment le fait d’être entourée par des personnes en situation d’obésité va impacter l’image que vous avez de votre corps ? Vous allez probablement vous sentir « moins grosse » que ce que vous croyez habituellement.

Admettons qu’après avoir passé un mois aux Etats-Unis vous alliez un mois au Japon ou en Corée, où le taux d’obésité est inférieur à 6% . Comment le fait d’être entourée par des personnes qui ont une morphologie majoritairement menue va impacter votre image du corps ? Probablement que vous allez vous percevoir comme plus « grosse».

Revenons à l’article de Williamson.

Il y a 3 types de biais – tendances de notre cerveau – qu’on retrouve chez les personnes qui se préoccupent de leur poids, qui sont insatisfaites de leur corps et qui présentent des troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie, …).

Il s’agit du biais attentionnel, du biais de mémoire et du biais du jugement.

Je vais expliquer brièvement chacun d’entre eux.

Biais attentionnel

Il s’agit tout simplement de la tendance à faire attention à un certain type de signaux. Les études montrent que, dès que vous commencez à vous préoccuper de votre corps, de comment il apparaît et de son poids et sa forme, votre degré d’attention envers ce type d’indices va augmenter, alimentant des émotions négatives. Plus d’attention entraîne plus d’angoisse, ce qui alimente encore plus d’attention et plus d’angoisse.

Biais de mémoire

Il s’agit du fait de se rappeler plus facilement de certaines informations plutôt que d’autres. Les études montrent que les personnes qui présentent des problématiques avec la nourriture et avec leur corps se rappellent beaucoup plus de tout ce qui tourne autour de l’image du corps. Donc, au plus on y prête attention, au plus on s’en souvient facilement, au plus on va développer des émotions négatives.

Biais de jugement

Il s’agit de la tendance à interpréter certaines informations de manière sélective et non objective. Les études montrent que les personnes qui sont insatisfaites de leur corps ont tendance à interpréter les indices/signaux ambigus qui font référence au corps (par ex. juger le poids ou la taille d’un corps) comme rentrant dans la catégorie « gros », alors que les personnes qui ont un bas niveau d’insatisfaction du corps interprètent ces mêmes indices comme rentrant dans la catégorie « minceur ».

Qu’est-ce que tout cela veut dire ?

Donc, si je synthétise, le fait de se percevoir erronément comme plus « grosse » que ce qu’on est réellement s’explique par un complexe système d’interprétations où on va être super focalisée sur toutes les informations de l’environnement qui portent sur le corps (magazines, posters, publicités), créant ainsi plus de préoccupation et d’anxiété. On va bien garder ces informations en mémoire, ce qui fait qu’elles reviennent en tête plus facilement et, dès qu’on doit juger notre corps, dans le doute, on va le juger de manière « négative » comme « gros ». Tout ce processus va provoquer des émotions négatives qui vont contribuer à la mauvaise perception et interprétation de son corps.

Il est important de préciser que ce processus est tout à fait automatique et inconscient. Pour le rendre conscient, on fait souvent appel à un psychologue qui aide à décortiquer tous ces fonctionnements négatifs. Et c’est en effet une partie du travail que je fais avec mes patientes. On identifie leurs représentations et croyances, on les analyses et on les reformule avec une prise de recul. Pour terminer, on alimente de nouveaux circuits de pensée plus positifs et bénéfiques.

Donc, vous souhaitez faire la paix avec votre corps et l’apprécier à sa juste valeur? Tout d’abord, commencez par vous rendre compte de l’attention et de l’interprétation que vous portez à tout ce qui touche au corps et aux idéaux de beauté de la société actuelle. Ensuite, quand vous vous trouvez à vous juger négativement, posez-vous la question : « Est-ce que ma perception ne serait-elle pas erronée/biaisée ? » et amusez-vous à concevoir d’autres manières de percevoir votre corps, en jouant sur les lieux que vous fréquentez par exemple. Et si vous voulez creuser cette question du corps, je vous conseille de vous diriger vers mon article « Comment dépasser le bikini blues et commencer à aimer son corps ».

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À bientôt, au prochain article !

Emanuela Garau,
psychologue et nutrithérapeute
et son équipe passionnée.